L’Hôtel de Saint-Florentin
ou hôtel de Talleyrand
Un élève d’Etienne-Louis Boullée
Le comte Louis Phélypeaux de Saint-Florentin, secrétaire d’Etat à la Maison du Roi et futur duc de la Vrillière, est un ami personnel du roi Louis XV. En 1767, il commande au tout jeune architecte Jean-François Chalgrin (1739-1811) les plans de son hôtel particulier. Chalgrin est un élève d’Etienne-Louis Boullée, l’un des principaux théoriciens du néo-classicisme. Ce projet brillant, où commence à s’exprimer le style néo-classique, va assurer la notoriété de l’architecte qui sera très actif à Paris.
Un parti architectural atypique
Selon la tradition parisienne, un hôtel particulier est placé entre cour et jardin, et le logis situé au fond de la cour. Pourtant ici, Chalgrin place le corps de logis dans l’aile droite : le traditionnel jardin étant absent, la façade sud de l’hôtel donne sur le jardin des Tuileries qui fait symboliquement office de jardin. Ce parti très original avait été utilisé bien avant par l’architecte Louis Le Vau à l’hôtel Lambert sur l’ile Saint-Louis.
L’annonce du style néo-classique
Respectant le plan d’ordonnance fixé par Jacques-Ange Gabriel pour la place Louis XV (future place de la Concorde) voisine, Chalgrin dessine une façade sud qui s’harmonise avec l’hôtel de la Marine. Cette façade présente une certaine monumentalité et annonce déjà le néoclassicisme par son vocabulaire : murs à refends dans la partie basse, fenêtres rectangulaires trapues surmontées de corniches, balcons à balustre de pierre, dernier étage traité en attique. Ouvrant sur la rue Saint-Florentin, le portail d’entrée est encadré d’une colonnade ajourée. Les façades sur la cour expriment également la rigueur et la sobriété du style néo-classique.
De superbes décors intérieurs du XVIIIe
A l’intérieur, les murs de l’escalier d’honneur sont décorés de niches et de pilastres ioniques. Les salons de l’étage noble sont habillés de somptueuses boiseries : Cabinet destiné aux audiences, Grand Salon. Un décor de boiseries attribué au célèbre architecte Claude-Nicolas Ledoux a été remonté plus tard dans l’hôtel ; il provient du pavillon de Mme du Barry à Louveciennes.
Une longue suite de propriétaires
A la mort du comte de Saint-Florentin en 1777, la demeure est acquise par le duc de Fitz-James, puis par la princesse de Salm-Salm, duchesse de l’Infantado, en 1784. Il sert d’ambassade à la République de Venise entre 1790 et 1794. En 1800, la demeure est achetée par le marquis d’Hervas. Le prince Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord en fait l’acquisition en 1812.
L’homme qui traverse tous les régimes politiques
Le prince Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord (1754-1838) est un personnage à la fois complexe et fascinant. Il traverse tous les régimes politiques pendant sa très longue carrière. D’abord prêtre puis évêque d’Autun, il préside l’Assemblée nationale pendant la Révolution. Sous le Directoire, il est ministre des Relations extérieures. Sous l’Empire, il est ambassadeur puis ministre des Affaires étrangères. Sous la Restauration, il est président du Conseil des ministres. Et enfin il est à nouveau ambassadeur sous la Monarchie de Juillet. Boiteux, Talleyrand est surnommé le « diable Boiteux ». Passionnant les historiens, il est soit décrit comme un traître cynique, soit comme un dirigeant visionnaire. Un qualificatif résume mieux que tout autre le personnage : opportuniste ! De 1812 à sa mort en 1838, Talleyrand fait de sa demeure parisienne le centre de la vie mondaine et politique française. Il y reçoit notamment en 1814 le tsar Alexandre Ier de Russie, le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III, l’empereur François Ier d’Autriche et le duc de Wellington, afin de négocier la paix en Europe et la restauration de la monarchie en France.
Un joyau pour l’homme le plus riche de France
La duchesse de Dino, nièce et héritière de Talleyrand, vend ensuite l’hôtel au baron James-Mayer de Rothschild. Ce banquier d’origine allemande est considéré comme l’homme le plus riche de France sous la Monarchie de Juillet. Son descendant, Alphonse de Rothschild, fait exécuter d’importants d’agrandissement par les architectes E. Petit et Léon Ohnet de 1868 à 1871. Les Rothschild conservent la demeure jusqu’en 1950.
Un palais sous pavillon américain
Acheté en 1950 par les Etats-Unis, l’hôtel de Saint-Florentin devient le siège de l’administration du Plan Marshall pour la relance économique de l’Europe. Par la suite et jusqu’en 2007, plusieurs services de l’Ambassade des Etats-Unis y sont réunis. L’hôtel est soigneusement restauré entre 1999 et 2007 notamment grâce à la fondation américaine World Monuments Fund Europe. Aujourd’hui, il accueille un espace de conférences, de réunions et de réceptions, les bureaux parisiens du World Monuments Fund Europe et du cabinet d’avocats Jones Day.
Pour l’architecte Jean-François Chalgrin, voir également le Collège de France, l’Arc de Triomphe de l’Etoile, la chapelle de la congrégation du Saint-Esprit, l’église Saint-Sulpice, L’église Saint-Philippe du Roule, l’hôtel de luzy, L’hôtel Cromot du Bourg.
Pour l’architecte Léon Ohnet, voir également l’hôtel Salomon de Rothschild, l’hôtel Ohnet.
Sources :
Guide du patrimoine Paris, sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos, Hachette, 1994.
HÔTEL de TALLEYRAND, George C. Marshall Center. European Heritage Days 2019. (Paris: U.S. Department of State/Embassy of the United States in France, 2019).
Ambassade des Etats-Unis d’Amérique à Paris.
Les photographies des intérieurs ont été gracieusement mises à notre disposition par monsieur Skip Moskey.
Adresse : 2 rue Saint-Florentin
Métro : Concorde
Arrondissement : 1er
Téléphone :