Le pavillon de Bretonvilliers
Entre 1637 et 1641, Claude Le Ragois de Bretonvilliers se fait bâtir un somptueux hôtel particulier avec jardins sur la pointe Est de l’île Saint-Louis. Les plans de l’hôtel sont dessinés par l’architecte Jean Androuet du Cerceau (vers 1590-après 1649) : l’édifice comprend un corps de logis entre cour et jardin, encadré de deux ailes perpendiculaire côté cour, et d’une longue aile perpendiculaire côté jardin. A l’intérieur, les plus grands artistes de l’époque sont mis à contribution : le peintre Simon Vouet pour un cabinet en 1643, le peintre Sébastien Bourdon (aidé par Monnoyer et Charmenton) pour le décor de la grande galerie (ou galerie de Phaeton) du 1er étage en 1663. Des œuvres des peintres Mignard et Poussin décorent également les salons.
L’hôtel n’est pas bâti seul puisqu’il est accompagné de six hôtels de rapport donnant sur la rue Bretonvilliers (n°1 et n°3) et sur la rue Saint-Louis en l’île (n°3,5,7,9). L’hôtel du n°3 rue Bretonvilliers conserve d’ailleurs un bel escalier en bois et des plafonds peints. L’élément architectural le plus étonnant est le haut pavillon qui enjambe la rue Bretonvilliers. Il marquait l’entrée de la demeure. Le pavillon repose sur une arcade surbaissée. Au-dessus, deux étages sont percés de baies rectangulaires. Au niveau du comble, une grande arcade forme un fronton en plein cintre, percé de baies reprenant la disposition des étages inférieurs. A Paris, c’est le seul exemple de pavillon enjambant une rue, avec le pavillon du Roi et pavillon de la Reine situés sur la place des Vosges.
Revenons à Claude Le Ragois de Bretonvilliers (1582-1645). Il détient le poste de secrétaire du roi Louis XIII mais est par ailleurs receveur général des finances de Limoges, poste très lucratif. Ce financier est alors considéré comme l’un des hommes les plus riches de France, ce qui lui permet de s’offrir un vaste domaine sur l’île Saint-Louis. Son fils Bénigne de Bretonvilliers (1624-1700) achève les travaux de l’hôtel à la suite de son père. A partir de 1719, les descendants Bretonvilliers n’occupent plus l’hôtel. Il est loué à la Ferme générale qui y transfère le « bureau général des aides », chargé de la perception des impôts sur les boissons et les denrées. Puis sont regroupés dans l’hôtel la « direction des aides et entrées de Paris » et les bureaux du « receveur général des aides et domaines de France ».
Dès le début des années 1740, la Ferme générale décide rassembler ses activités les plus lucratives à proximité de son siège, situé dans le quartier Saint-Eustache. Seuls quelques services de moindre importance occupent encore l’hôtel de Bretonvilliers : le « bureau des privilégiés », le « bureau de déclaration de recette des bois carrés » et le « bureau général de timbre et de distribution de papiers ou parchemins timbrés ». La Ferme générale dispose également d’une imprimerie installée dans l’hôtel. Au moment de la Révolution, l’hôtel est mis sous séquestre en tant que bien d’émigrés puis divisé en lots en 1790. En 1840, il est honteusement démoli alors qu’il était considéré comme le plus bel hôtel particulier de Paris de la première moitié du XVIIe siècle. En 1866, les jardins de l’hôtel disparaissent à leur tour lors du percement du boulevard Henri IV. Seuls subsistent aujourd’hui l’élégant pavillon de Bretonvilliers et les hôtels de rapport.
Pour l’architecte Jean Androuet du Cerceau, voir également l’hôtel de Sully.
Source :
Babelon (Jean-Pierre), Demeures parisiennes sous Henri IV et Louis XIII, Paris, Editions Hazan, 1991.
Adresse : Rue Bretonvilliers et rue Saint-Louis en l’île
Métro : M° Pont-Marie
Arrondissement : 4e
Téléphone :