L’hôtel de Wendel
Les Wendel, maîtres de forges
Les premiers Wendel connus sont des militaires; ils sont établis à Bruges et à Coblence. Puis la famille s’installe en Lorraine dans la seconde moitié du XVIIe siècle. En 1704, Jean-Martin Wendel devient maître de Forges à Hayange. C’est le premier d’une longue dynastie qui va incarner la puissance de la sidérurgie française pendant plusieurs siècles. La famille Wendel est anoblie en 1727 et fait ajouter une particule à son patronyme. Maître de Forge est en effet l’un des rares métiers, avec celui de la verrerie, à ne pas entrainer la dérogeance. La Lorraine comptera ainsi plusieurs familles nobles exerçant cette activité. En 1782, une fonderie royale est établie au Creusot par Ignace de Wendel d’Hayange, officier d’artillerie, avec l’aide d’un ingénieur anglais, William Wilkinson. C’est une industrie stratégique pour le royaume puisqu’elle fabrique des canons et utilise la houille extraite des mines locales.
Un fleuron de l’industrie française
Sous l’Empire et la Restauration, le groupe familial connaît un développement spectaculaire en Lorraine et au Creusot sous l’impulsion de François de Wendel (1778-1825). Le développement des chemins de fer en France y est pour beaucoup avec la fabrication de rails et de locomotives. En 1836, une autre famille lorraine, les Schneider, rachète aux Wendel les forges du Creusot et s’y établit durablement. C’est la deuxième dynastie de l’acier qui se crée en France au XIXe siècle après celle des Wendel. Avec la défaite française de 1871, les forges situées en Lorraine passent en territoire allemand. Néanmoins, les Wendel restent fidèles à la France et fondent de nouvelles usines à Jœuf près de la nouvelle frontière allemande.
Un empire sidérurgique à son apogée
Dans la première moitié du XXe siècle, les industries sidérurgiques de la famille Wendel sont à leur apogée. A l’issue de la première Guerre mondiale, l’ensemble des usines est réuni grâce à la réintégration de la Lorraine à la France. François II de Wendel (1874-1949) est alors le président du puissant Comité des Forges. Régent de la Banque de France, il est l’un des principaux acteurs politiques en France. Les Wendel font alors partie des fameuses « 200 familles » françaises considérées comme les plus fortunées.
Un déclin inexorable
Après la Seconde Guerre mondiale, un grand pôle sidérurgique est reconstitué avec la fusion de plusieurs entreprises donnant naissance au groupe Sollac puis Sacilor puis Usinor. Fragilisé économiquement par manque de compétitivité, le groupe est nationalisé en 1981 par l’Etat et prend le nom d’Usinor-Sacilor. En 2002, le groupe fusionne avec Aceleria (Espagne) et Arbed (Luxembourg) pour devenir Arcelor. En 2006, ce nouveau groupe est absorbé par le géant indien Mittal Steel Company, qui devient Arcelor-Mittal. Le groupe Wendel, dirigé par l’un de ses descendants, le baron Antoine Seillière, existe toujours mais il s’est reconverti dans une société d’investissement très lucrative.
Une demeure inspirée des styles Louis XV et Louis XVI
Entre 1861 et 1867, Charles II de Wendel (1809-1870) se fait construire une opulente demeure dans le quartier de la Trinité alors en vogue. L’emplacement n’est sûrement pas anodin pour cette grande famille catholique : le terrain surplombe le chevet de l’église de la Sainte-Trinité. L’architecte Maurice-Sidoine Storez conçoit un vaste hôtel de 36 pièces donnant sur la rue de Clichy. Le style de l’édifice est d’inspiration Louis XV et Louis XVI. Sur la rue, la façade comporte sept travées ; elle est rigoureuse et presque austère. Le monogramme W des Wendel est présent au fronton, encadré de guirlandes de fleurs. Sur le jardin, l’hôtel est implanté en L : une longue aile plus tardive prolonge le bâtiment principal. Bâtie en brique, elle s’apparente au style Louis XIII ; on y retrouve le monogramme W des Wendel. Dominant la rue, le jardin dispose d’un parterre et d’une terrasse. Il est agrémenté d’une fontaine ornée d’une tête de monstre en bronze crachant de l’eau.
Des décors intérieurs conservés
Sous le porche, un vestibule précède l’escalier d’honneur menant à l’étage noble où sont situés les salons de réception. Résistant à l’éclectisme architectural en vogue, l’architecte s’est inspiré des décors des hôtels aristocratiques de l’Ancien Régime. Ainsi, un portrait de militaire du XVIIIe siècle est incrusté dans la boiserie au-dessus d’une cheminée. Plusieurs pièces de réception ont conservé leur décor d’origine : plafonds moulurés, portes en bois sombre ou peintes en blanc et or, cheminées en marbre.
Une école élémentaire
Après la Seconde Guerre mondiale, l’hôtel est encore habité par la nombreuse descendance Wendel avant d’abriter des bureaux. Finalement vendu, l’édifice est transformé en école élémentaire en 2011.
Source :
La Nouvelle-Athènes, haut lieu du Romantisme, sous la direction de Bruno Centorame, Action Artistique de la Ville de Paris, 2001.
Adresse : 10 rue de Clichy
Métro : Trinité
Arrondissement : 9e
Téléphone :