L’ambassade de Suisse
L’hôtel de Besenval
La luxueuse maison d’un abbé
En 1704, l’abbé Pierre Chanac de Pompadour se fait construire un hôtel particulier dans la rue de Grenelle. Le projet est confié à Pierre-Alexis Delamair (1675-1745) : cet architecte connaîtra ensuite la célébrité en construisant l’hôtel de Soubise et l’hôtel de Rohan dans le Marais ainsi que le vaste palais Rohan à Strasbourg. A l’origine, l’hôtel, destiné au vieil abbé âgé de 80 ans, ne comporte qu’un rez-de-chaussée. Selon la tradition française, il est placé entre cour et jardin. La façade sur le jardin est ornée au centre d’un portique reposant sur des colonnes et pilastres corinthiens et surmonté d’un grand balcon. Des mascarons aux clefs des baies et des bustes égayent la façade.
Guérapin, un franc galopin
A la mort de l’abbé en 1710, la demeure échoit à ses nièces, la marquise de Saint-Luc et la marquise de Hautefort. En 1747, l’hôtel est acquis par Madeleine-Angélique de Villeroy, veuve du duc de Boufflers, qui se remarie en 1750 avec le maréchal de Luxembourg. Assez rapidement, la maréchale se dessaisit de l’hôtel au profit de Guy Guérapin de Vauréal, évêque de Rennes. Saint-Simon, jamais tendre avec ses contemporains, brosse le portrait de cet homme :« C’est un grand et fort drôle d’esprit et d’intrigue, d’effronterie sans pareille, grand et fort bien fait, et qui en sait user avec peu de contrainte, riche et de la lie du peuple qui, à la faveur du petit collet, voulut s’accrocher à la Cour. Son nom est Guérapin et son état franc galopin ».
Le baron de Besenval, témoin de son époque
D’abord locataire, Pierre-Victor, baron de Besenval de Brünstatt (1721-1791), fait l’acquisition de l’hôtel en 1767. Militaire d’origine suisse, il s’est distingué pendant la guerre de Sept Ans et a été nommé maréchal de camp en 1758. Ami et protégé du duc de Choiseul, il entre comme cadet au régiment des Gardes Suisses et est nommé inspecteur général par la suite. Mais ce sont surtout ses Mémoires qui nous intéressent. Romancier et mémorialiste, Besenval est un témoin intéressant de la vie de Cour sous Louis XVI et de la fin de la monarchie. Démis de sa charge en 1770, le baron va ensuite mener une vie de courtisan ayant ses entrées à Versailles et à Trianon.
Une déclaration à la Reine
Grand amateur de femmes, Besenval préfère rester célibataire. Vraisemblablement épris de la souveraine, il tombe un jour à ses genoux et lui fait une déclaration en forme. Marie-Antoinette lui rétorque « Levez-vous, monsieur ! Le roi ignorera un tort qui vous ferait disgracier pour toujours ». Il ne sera pourtant pas écarté du cercle de la reine.
Des travaux d’agrandissement
Vers 1782, le baron fait procéder à d’importants travaux d’aménagement et d’agrandissement par l’architecte Théodore Brongniart. Son hôtel abrite une collection de tableaux fort réputée. L’édifice est surélevé d’un étage. Une étonnante salle de bain est aménagée dans les caves : elle comporte un bassin d’eau en marbre orné de nymphes antiques sculptées par Clodion. Vous pouvez aujourd’hui admirer ces panneaux sculptés au musée du Louvre.
Sauvé du lynchage
Inquiété pendant la Révolution, le baron de Besenval est sauvé du lynchage par l’intervention de son compatriote, le banquier Jacques Necker. Puis il est acquitté lors de son procès grâce à la brillante plaidoirie de Raymond de Sèze, le célèbre magistrat qui défendit Louis XVI. A la mort du baron, son fils naturel, Joseph-Alexandre de Ségur (1756-1805), écrivain et militaire, hérite de l’hôtel. En 1797, la demeure est vendue à la marquise de Chabrillan. Puis elle passe par héritage aux Montholon-Semonville.
Le siège de l’ambassade de Suisse
En 1938, la Confédération helvétique fait l’acquisition de l’hôtel de Besenval. C’est aujourd’hui le siège de l’ambassade de Suisse.
Pour l’architecte Alexis Delamair, voir également l’hôtel de Rohan, l’hôtel de Soubise
Pour l’architecte Alexandre-Théodore Brongniart, voir également l’hôtel de Monaco, l’hôtel de Montesquiou-Ferenzac, l’hôtel de Bourbon-Condé, l’hôtel Masseran, le palais Brongniart, le couvent des Capucins, l’hôtel de Montmorin, la maison de l’architecte Brongniart, l’église Saint-Louis d’Antin.
Sources :
Colin-Bertin (Françoise), Guide du promeneur 7e arrondissement, Paris, Parigramme, 1995.
Gallet (Michel), Les architectes parisiens au XVIIIe siècle, Paris, Mengès, 1995.
Belles demeures de Paris, Paris, Hachette Réalités, 1977.
Adresse : 142 rue de Grenelle
Métro : Invalides
Arrondissement : 7e
Téléphone :