Le palais Vivienne
L’hôtel
de Montmorency-Luxembourg
L’ascension fulgurante de Thomas de Rivié
Fils d’un maréchal-ferrant de l’Aveyron, Thomas de Rivié (1653-1732) doit son ascension sociale à l’amitié que lui porte Louvois, ministre de Louis XIV. Rivié s’enrichit grâce à la fourniture de chevaux pour l’armée. En 1704, il achète une charge vénale de secrétaire du roi, sésame pour accéder à la noblesse au bout de 20 années d’exercice. La même année, il confie à l’architecte Pierre Cailleteau, dit Lassurance, la construction d’un hôtel particulier pour son propre compte. L’entrée de l’hôtel est située rue Saint-Marc : un haut portail en plein cintre encadré de colonnes ioniques doubles mène à la cour d’honneur. A l’arrière, les jardins s’étendent jusqu’au grand cours, promenade à la mode à cette époque, appelée aujourd’hui «les Grands Boulevards».
Une somptueuse demeure
Sur la cour, le logis en pierre de taille est centré sur un étroit avant-corps d’une seule travée. Il est encadré d’ailes en retour sur la cour, aux toitures indépendantes. Sur le jardin, l’avant-corps est plus majestueux : comportant trois travées, il est surmonté d’un fronton sculpté et couvert d’un toit à pans brisés. Il abrite au rez-de-chaussée la plus belle pièce de la maison, le grand salon ouvrant sur le jardin. Les dessus de porte sont réalisés par les peintres Charles-Joseph Natoire et Noël Hallé. Le corps central est encadré de pavillons en ressaut.
L’hôtel Desmarets
A peine achevé, l’hôtel est revendu le 16 octobre 1710 car Rivié doit désormais résider à Versailles pour mener ses activités au plus près du pouvoir royal. L’acquéreur est Nicolas Desmarets (1648-1721), marquis de Maillebois. Neveu du grand Colbert, Desmarets, issu de la noblesse de robe, bénéficie du soutien de son oncle pour sa brillante carrière : d’abord conseiller au Parlement, il occupe les postes successifs de maître des requêtes, conseiller d’Etat, intendant des Finances, directeur des Finances, puis il est nommé contrôleur-général des finances en 1708. Desmarets acquiert également l’hôtel voisin de l’hôtel Rivié à l’Est, appelé petit hôtel de Maillebois.
L’hôtel de Montmorency-Luxembourg
A la mort du contrôleur-général en son hôtel le 4 mai 1721, la propriété, comprenant les deux hôtels contigus, est vendue en 1723 à Charles 1er Frédéric de Montmorency, 6e duc de Piney-Luxembourg. Son fils Charles 2 Frédéric de Montmorency (1702-1764), 8e duc de Piney-Luxembourg, prince d’Aigremont et de Tingry, lui succède. Il sera promu maréchal de France en 1757. L’hôtel prend alors le nom d’hôtel de Montmorency-Luxembourg.
Les agrandissements de l’architecte Le Carpentier
Le duc fait agrandir l’hôtel. L’architecte Antoine-Matthieu Le Carpentier (1709-1773) est chargé de réaliser une aile sur le jardin et un kiosque chinois : outre un appartement de bain et un salon, il aménage une salle à manger formant un pavillon donnant sur la jardin. Les décors sculptés sont confiés à l’ornemaniste Nicolas Pineau tandis que Noël Hallé peint le plafond où des figures d’enfants symbolisent les 4 saisons. L’architecte Firmin Perlin (1747-1783) intervient ultérieurement et modernise la façade sur cour de l’hôtel.
Un dépôt de livres sous la Révolution
Sous la Révolution, les Montmorency-Luxembourg émigrent. L’hôtel est saisi : il sert de dépôt pour les ouvrages confisqués aux congrégations religieuses et aux aristocrates émigrés. Plus de 100.000 ouvrages y sont stockés.
Le percement du passage des Panoramas
En 1800, l’hôtel, vendu comme bien national en 1797, est acquis par Henriette Berck, épouse de James Tayer. De nationalité américaine, Thayer installe 2 panoramas à l’entrée de la propriété, côté boulevard, qui vont devenir une attraction à la mode. Puis le passage des Panoramas est créé : il relie le boulevard à la rue Saint-Marc. A cette occasion, le rez-de-chaussée de l’hôtel est percé pour y faire passer la galerie. Côté rue Saint-Marc, l’ancien portail de l’hôtel au n° 10 devient l’entrée du nouveau passage. En 1808, le jardin de l’hôtel est à nouveau amputé pour construire le théâtre des Variétés. Les deux rotondes sont abattues en 1830, cette attraction étant passé de mode. La même année, le préfet accorde le prolongement de la rue Vivienne entre la rue Feydeau et le boulevard Montmartre. L’emprise de l’hôtel sur cette nouvelle voie va entrainer un « rabotage » de son aile Ouest.
Un rhabillage de la façade Ouest
Peu après, la spéculation immobilière aura raison de l’édifice : en 1834, l’architecte Jean-Louis Grisart dessine les galeries Feydeau, Montmartre, Saint-Marc et des Variétés, reliées au passage des Panoramas. L’hôtel de Montmorency-Luxembourg est encore amputé. Grisart réussit à épargner une partie de l’aile Ouest : sur la rue Vivienne, au n°36, un entresol est créé et la façade est entièrement rhabillée. En levant les yeux, on identifie très bien les hautes fenêtres correspondant au 1er étage de l’hôtel d’origine. A l’intérieur, une grande antichambre, une chambre à coucher et un cabinet en partie amputé sont préservés.
Le cercle du duc de Chartres
Ce vestige de l’hôtel connaît encore un regain d’intérêt au cours du XIXe siècle : Charles-Philippe d’Orléans (1810-1842), duc de Chartres, fils du roi Louis-Philippe, y installe son cercle particulier comme c’est la mode à l’époque. Il meurt tragiquement dans un accident de chevaux le 13 juillet 1842 (voir la chapelle Saint-Ferdinand). Ensuite, le 1er étage accueille un café, le « Café de l’Europe ». En 1906, le Cercle Central des Lettres et des Arts y tient ses réunions.
Un corps de logis encore visible
Outre l’aile Ouest, le 1er étage du corps de logis est encore identifiable même s’il a été surélevé et entièrement redistribué intérieurement. Il est visible depuis le passage Feydeau : un récent nettoyage de la façade Sud nous permet de reconnaître la travée centrale de l’hôtel telle que Lassurance l’a dessinée : la baie du 1er étage a été diminuée de hauteur mais elle conserve ses pilastres ioniques doubles. De même, les fenêtres situées de chaque côté de la travée centrale correspondent aux fenêtres d’origine; elles ont été largement modifiées et dénaturées.
Le Palais Vivienne
L’ancien hôtel de Montmorency-Luxembourg conserve de somptueux décors intérieurs aménagés au XIXe siècle. Acquis pour 6 millions d’euros, il a été rebaptisé Palais Vivienne. Il appartient depuis 2015 à Pierre-Jean Chalençon. Cet homme d’affaires et de média (il a participé à plusieurs émissions de télé) est l’un des plus importants collectionneurs d’objets liés à l’empereur Napoléon 1er. Les salons du palais Vivienne peuvent se visiter sur réservation ou se privatiser pour des événements.
Pour l’architecte Pierre Cailleteau dit Lassurance, voir également l’hôtel de Lassay, l’hôtel de Rothelin-Charolais, le Palais-Bourbon, l’hôtel de Maisons, l’hôtel de Roquelaure, l’hôtel de Rohan-Montbazon.
Pour l’architecte Antoine-Matthieu Le Carpentier, voir également l’hôtel de La Guiche, le collège de Navarre, le palais Bourbon.
Pour l’architecte Firmin Perlin, voir également l’hôtel de Mercy-Argenteau.
Sources :
Gallet (Michel), Les architectes parisiens au XVIIIe siècle, Paris, Mengès, 1995.
Leborgne (Dominique), Guide du promeneur 2e arrondissement, Paris, Parigramme, 1995.
Palais Vivienne
Adresse : 36 rue Vivienne
Métro : Grands Boulevards
Arrondissement : 2e
Téléphone :