L’hôtel Thélusson (démoli)
L’architecte néoclassique Claude-Nicolas Ledoux
Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806) est un des meilleurs représentants français du style néoclassique. A Paris, il livre plusieurs édifices très admirés par leur style nouveau : l’hôtel d’Hallwyll (1766), l’hôtel d’Uzès (1767), l’hôtel de Montmorency (1769), l’hôtel de Melle Guimard (1770).
Une famille de banquiers suisses
Marie-Jeanne Girardot de Vermenoux est la veuve d’un riche banquier suisse, Georges Thobie Thélusson. Elle commande à Ledoux le projet d’une demeure grandiose qui sera construite dans le quartier de la Chaussée d’Antin. Georges Thobie Thélusson (1728-1776) a fondé la banque Thélusson, Necker et Cie avec Jacques Necker, futur ministre de Louis XVI. Sa veuve dispose d’une immense fortune. En 1778, Claude-Nicolas Ledoux livre un projet étonnant à la fois démesuré et en rupture avec les canons de l’époque. L’hôtel est mis en scène de façon théâtrale au milieu d’un jardin très pittoresque, annonçant déjà le romantisme. L’étage noble est situé au-dessus d’un étage de soubassement ; il domine le jardin et les constructions environnantes.
Une entrée en forme d’arc de triomphe
L’accès à l’hôtel se fait par un arc de triomphe hors d’échelle inspiré des arcs antiques. Avec ses piles surbaissées, l’arc semble enterré à la manière d’une ruine antique. A l’opposé du plan classique où l’on accède à un hôtel par une cour, les visiteurs entrent par le jardin, tandis que la cour de service est rejetée à l’arrière. Les voitures empruntent un sens giratoire : elles déposent les hôtes au pied d’un escalier extérieur conduisant à l’étage noble, puis elles empruntent un passages ménagé sous l’hôtel pour se garer dans la grande cour demi-circulaire entourée de communs. Elles repartent en sens inverse en empruntant un deuxième passage sous l’hôtel débouchant sur le jardin.
Devant l’hôtel, la partie centrale du jardin est agrémentée d’un rocher, d’une grotte et d’une fontaine alimentant un bassin creusé dans le terrain. Posé sur le rocher, le péristyle circulaire est l’élément central de la composition architecturale : ce parti s’inspire d’une gravure de Piranèse et du temple de la Sibylle à Tivoli. Les colonnes s’opposent à la grotte ; la lumière à l’ombre ; le progrès du XVIIIe siècle au passé. Contrairement à l’habitude, l’hôtel n’est pas contigu aux habitations voisines, mais isolé, dominant le paysage. Ainsi, il peut être admiré de loin. De même, de la terrasse ou des fenêtres de l’hôtel, des multiples vues permettent de contempler le jardin et les environs.
L’affirmation du néo-classicisme
L’hôtel Thélusson est conçu selon un plan massé. Par ses volumes épurés et géométriques, il semble inspiré d’un temple antique et exprime le style néo-classique. L’hôtel est élevé d’un seul niveau couronné d’une corniche surmontée d’un étage d’attique. Les murs extérieurs sont volontairement dépouillés. Ils sont animés de refends horizontaux. Les baies rectangulaires sont laissées nues, sans encadrement sculpté. A l’intérieur, le grand salon ovale occupe la partie centrale de la façade. Il est encadré d’un côté par le salon de musique et la bibliothèque, de l’autre par un salon d’automne et une chambre de parade. Les salons sont décorés de stucs blancs et dorés. Pour l’aménagement intérieur, Ledoux est secondé par les sculpteurs Sénéchal et Beauvalet, par les peintres Le Barbier et Callet, par les bronziers Gouthière et Raymond.
La résidence du prince Murat
En 1781, Mme Thélusson meurt laissant son hôtel inachevé. Son fils, Isaac de Thélusson de Sorcy, achève les travaux. En 1802, l’hôtel est vendu au prince Joachim Murat, beau-frère de Napoléon. En 1805, l’empereur Napoléon 1er l’échange contre le palais de l’Elysée donné au prince Murat. L’hôtel Thélusson est ensuite offert au tsar Alexandre 1er de Russie qui y installe l’ambassade de son pays.
Une construction qui intrigue les parisiens
Par son audace architecturale et le pittoresque de son jardin, l’hôtel Thélusson est un véritable objet de curiosité pour les visiteurs de passage comme pour les parisiens. A tel point qu’il faut prendre des billets pour y être admis. En 1826, au mépris de sa grande valeur architecturale, cette demeure est entièrement démolie lors du prolongement de la rue Laffitte vers la rue de la Victoire.
Deux remarquables vantaux remontés au n° 34 rue de Provence seraient (sans certitude) les seuls vestiges subsistant de l’hôtel Thélusson.
Pour l’architecte Claude-Nicolas Ledoux, voir également l’hôtel d’Hallwyll, la barrière d’Enfer, la barrière de Chartres, la barrière du Trône, la rotonde de la Villette, l’hôtel d’Uzès.
Sources :
Gallet (Michel), Les architectes parisiens du XVIIIe siècle, Paris, Mengès, 1995.
Goldemberg (Maryse), Guide du promeneur 9e arrondissement, Paris, Parigramme, 1997
Guide du patrimoine Paris, sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos, Paris, Hachette, 1994.
Adresse : Au niveau du n°30 rue de Provence
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