L’hôtel Dodun
La famille Dodun
La famille Dodun est une famille bourgeoise originaire de Bourgogne. Etablie à Paris, son ascension sociale se situe aux XVIIe et XVIIIe siècle, ses membres occupant des charges lucratives dans la finance, parfois au plus proche du pouvoir royal. Né en 1643, Gaspard Dodun est d’abord avocat au parlement avant d’entrer dans les fermes générales. Mis à mal par la justice, tous ses biens sont pourtant saisis et vendus au profit du roi. Ses fils Pierre et André Gaspard vont prendre la relève dans le monde de la finance. Pierre Dodun est receveur général des finances tandis qu’André Gaspart occupe le poste de receveur général à Bordeaux. L’un de leur cousin, Charles Gaspard II Dodun, sera lié au clan Colbert et deviendra contrôleur général des Finances en 1722, l’un des plus hauts postes au sein de l’Etat.
Pierre II Dodun, un nouveau riche de la finance
Fils d’André Gaspard, Pierre II Dodun (né en 1673) acquiert en 1702 la charge de receveur général des finances de la Rochelle, puis il s’en défait pour acheter et occuper celle de receveur général des finances de Bordeaux de 1707 à 1721. En 1706, il s’est marié à Suzanne de Vitry, petite-fille d’un fermier-général, qui lui a apporté de solides appuis dans la finance et la haute administration. En 1725, Pierre II Dodun acquiert une maison construite vers 1639 au cœur de Paris dans la rue de Richelieu, un quartier très prisé par les financiers. Il la fait démolir et confie à l’architecte Jean-Baptiste Bullet de Chamblain le projet de construction de son hôtel particulier.
Les Bullet père et fils, architectes de renom
L’architecte Jean-Baptiste Bullet de Chamblain (1665-1726) est le fils de l’illustre architecte Pierre Bullet (1639-1716). Ce dernier est l’auteur de plusieurs demeures parmi les plus élégantes de Paris comme l’hôtel de Brancas ou l’hôtel d’Evreux (son chef d’œuvre). Après avoir longtemps travaillé aux côtés de son père, Jean-Baptiste Bullet de Chamblain prend son indépendance et dessine ses propres projets. A Paris, il réalise l’hôtel de Bourvallais et l’hôtel de Villemaré, tous deux situés place Vendôme. Le projet de l’hôtel Dodun est sans doute son dernier puisqu’il meurt en 1726 avant que l’édifice ne soit bâti.
Une parcelle peu commode
La parcelle occupée par l’hôtel Dodun est peu commode. Elle s’étend en profondeur de la rue de Richelieu à la rue Molière mais est très étroite. Bullet réussit habilement à en tirer parti : un bâtiment de 4 travées donnant sur la rue de Richelieu est relié par une aile plus étroite à un second bâtiment de 4 travées également. Sur la rue de Richelieu, le mur appareillé à refends au rez-de-chaussée est percé de hautes arcades dont l’une est le portail d’entrée de l’hôtel. Au-dessus, les plus beaux appartements donnent sur la rue et sur la cour intérieure. La façade est lisse, animée par des bandeaux de pierre entourant les fenêtres.
Un logis en fond de cour
Dans la cour, l’aile sur la gauche est rythmée par des arcades en plein cintre reposant sur des pilastres. Le bâtiment bas sur la droite est un ajout postérieur Au fond, le second bâtiment est précédé d’un perron : c’est l’entrée du logis marquée par une travée centrale en léger ressaut. La porte est sommée d’un mascaron tandis que des consoles doubles soutiennent une corniche. Les deux façades de ce bâtiment, celle sur cour et celle donnant à l’arrière sur la rue Molière, sont sobrement animées par des tables de pierre. Le 1er étage (l’étage noble) devait également abriter de beaux appartements. Les somptueux décors intérieurs de l’hôtel ont été vendus à la fin du XIXe siècle. Les plus belles boiseries ont trouvé place dans l’hôtel de Breteuil, actuelle ambassade d’Irlande, et à Waddesdon Manor en Angleterre.
La transformation en logements sociaux
En 1948, l’Etat fait l’acquisition de l’hôtel. Le rez-de-chaussée est alors converti en bureau de Poste ! En 2006, la Ville de Paris rachète le bâtiment alors très délabré. Elle le réhabilite intégralement et le transforme en 25 logements sociaux. Visible au fond de la cour, le magnifique escalier d’honneur a été préservé : il est remarquable par ses volumes qui se déploient, par la qualité de ses ferronneries et de ses moulures en stuc. Une grande niche décorative est toujours présente.
En Ile-de-France, on doit également à Jean-Baptiste Bullet de Chamblain l’un des plus beaux châteaux du tout début du XVIIIe siècle : le château de Champs-sur-Marne ouvert à la visite.
Pour l’architecte Jean-Baptiste Bullet de Chamblain, voir également l’hôtel de Bourvallais, l’hôtel de Villemaré.
Sources :
Dessert (Daniel), Argent, pouvoir et société au Grand Siècle.
Gallet (Michel), Les architectes parisiens au XVIIIe siècle, Paris, Mengès, 1995.
Guide du patrimoine Paris, sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos, Paris, Hachette, 1994.
Adresse : 21 rue de Richelieu et 10 rue Molière
Métro : Palais-Royal
Arrondissement : 1er
Téléphone :