L’hôtel de Bourrienne

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L’hôtel de Bourrienne : la façade sur cour

Un hôtel particulier achevé pendant la Révolution

Situé dans le faubourg Poissonnière, ce ravissant hôtel particulier commence à être construit à partir de 1787 par l’architecte Célestin-Joseph Happe pour le compte de Marie-Anne Ségard Préponnier de Bazin. Acquéreur en 1790, Antoine Tricardeau fait achever la construction de la demeure et la revend en 1792 à Jérome Lormier-Lagrave, riche planteur de canne à sucre à Saint-Domingue. La même année, sa fille unique Fortunée (1776-1851) épouse Romain Hamelin,  le fils d’un fermier-général doté d’une solide fortune.

L’hôtel de Bourrienne : la façade sur le jardin

Madame Hamelin, le plus grand polisson de France

En 1795, Fortunée Hamelin hérite de l’hôtel. Intelligente et impertinente, elle va faire de sa demeure l’un des salons les plus courus de son époque. En juin 1797, Madame Hamelin fait sensation en se promenant avenue des Champs-Elysées dans une tenue légère fendue jusqu’aux hanches et ne dissimulant rien de sa poitrine. Dotée d’un esprit hors du commun, intrépide, Madame Hamelin lance les modes et incarne l’idéal de « la merveilleuse ». Pleine de malice, très entreprenante avec les hommes, elle est surnommée « le plus grand polisson de France ». Par son intelligence, elle séduit les personnages les plus importants de son temps : Talleyrand, Bonaparte, Chateaubriand, Victor Hugo.

L’hôtel de Bourrienne : la salle à manger

Un fidèle ami du général Bonaparte

En 1801, l’hôtel est acheté par Louis-Antoine Fauvelet de Bourrienne (1769-1834). A cette époque, il est le secrétaire particulier et conseiller d’Etat du général Bonaparte, 1er consul de la République. Les deux hommes s’étaient liés d’amitié en 1785 à l’école militaire de Brienne en Champagne. En 1805, Bourrienne est nommé ministre plénipotentiaire à Hambourg. Il restera fidèle à l’Empereur jusqu’à sa chute en 1814. C’est généralement à Bourrienne qu’on attribue le lancement des somptueux travaux d’embellissement intérieurs menés par l’architecte Etienne-Chérubin Leconte et le peintre-décorateur Godard.

L’hôtel de Bourrienne : le grand salon

Des décors Directoire uniques à Paris

L’hôtel conserve de cette époque de très rares décors à l’antique quasiment uniques dans Paris; ils illustrent magnifiquement le style Directoire et le style Consulat. Les peintures murales sont inspirées de Pompei et Herculanum redécouvertes au milieu du XVIIIe siècle. Les éléments du répertoire néo-classique se reconnaissent dans les décors : figures drapées à l’antique, candélabres, vases, palmettes. La pièce la plus singulière est la salle de bain avec son décor étrusque ; elle annonce le soucis de confort qui va caractériser le XIXe siècle.

L’hôtel de Bourrienne : la chambre de parade

La finance triomphante

En 1824, l’hôtel de Bourrienne est vendu à un agent de change, Pierre Ferdinand Tattet. En 1829, il est acquis par le banquier et spéculateur Jonas-Philipp Haggermann. Ce dernier est l’un des deux lotisseurs du quartier de l’Europe avec l’entrepreneur Sylvain Mignon. Il est sans doute apparenté à un autre banquier, Aimé Akermann ou Aggermann, qui habite alors l’hôtel Benoist de Saint-Paulle situé à proximité. Revendu deux fois, l’hôtel est acquis en 1853 à Charles-Antoine Floréal Thiébaut; son fils Victor va créer la célèbre « Fonderie d’art Thiébaut Frères ».

L’hôtel de Bourrienne : la chambre de parade

La fonderie Tuleu

En 1886, les héritiers Thiébaut cède l’hôtel à Charles Tuleu (1851-1934), directeur de la fonderie de caractères d’imprimerie Deberny. Tuleu fait aménager ses ateliers au fond du jardin (ils sont aujourd’hui séparés de l’hôtel). Ses descendants ont conservé cette somptueuse demeure jusqu’en 2015. L’hôtel de Bourienne est alors acquis par l’homme d’affaire Charles Beigbeder qui le fait minutieusement restaurer, redonnant vie à ses exceptionnels décors intérieurs.

L’hôtel de Bourrienne : la salle de bain

Bourrienne Paris X

Charles Beigbeder a installé le siège de ses différentes sociétés à l’hôtel de Bourienne. Inspiré par l’âme forte des lieux, il décide de lancer Bourrienne Paris X. La marque remet à l’honneur la chemise blanche, dotée d’une élégance qui a traversé les époques. La styliste Cécile Faucheur s’inspire des détails oubliés du passé et façonne au présent des pièces monochromes pour l’homme et la femme. Donnant sur la rue, le magasin Bourrienne Paris X est ouvert du lundi au samedi de 10h à 19h30. Quant à l’hôtel de Bourrienne, il est privé et n’est pas ouvert à la visite. Nous remerçions vivement Charles Beigbeder et ses équipes de nous avoir ouvert les portes de cet hôtel particulier hors du commun.

L’hôtel de Bourrienne : porte du grand salon

Pour l’architecte Célestin-Joseph Happe, voir également la cour batave.

Pour l’architecte Etienne-Chérubin Leconte, voir également le Palais Bourbon, l’hôtel d’Evreux.

L’hôtel de Bourrienne : la salle à manger

Sources :
Duclert (Ariane), Guide du promeneur 10e arrondissement, Paris, Parigramme, 1996.
Gallet (Michel), Les architectes parisiens du XVIIIe siècle, Paris, Mengès, 1995
Le Faubourg Poissonnière, architecture, élégance et décors, rédigé par Pascal Etienne, Délégation à l’Action Artistique de la Ville de Paris, 1986.
Belles Demeures de Paris
, Paris, Hachette, 1977.

Adresse : 58 rue d’Hauteville

Métro : Bonne Nouvelle

Arrondissement : 10e

Téléphone : 09 82 33 89 63